Des couloirs de la Chambre des communes à ceux de la Maison Blanche, le « lobby » désignait dès le 19e siècle l’espace ou le hall dans lequel les groupes d’intérêt pouvaient rencontrer les membres du Parlement ou de l’exécutif. Les lobbyistes sont donc des personnes qui font valoir des intérêts particuliers auprès des représentants politiques pour influencer les décisions ou le contenu des lois. Aujourd’hui encore, en témoignent les adeptes de House of Cards, un espace dans la Maison Blanche et du Congrès est accessible aux lobbyistes.
Cette tradition anglo-saxonne est loin d’être étrangère aux démocraties européennes. L’Union européenne est un système politique qui intègre officiellement la participation des groupes d’intérêt au processus décisionnel. Les institutions européennes consultent et entendent la société civile dans toute sa diversité : entités privées, publiques, à but lucratif ou non. Cette approche inclusive est moderne. Elle a de nombreuses vertus qu’il convient de souligner. Avant cela, je souhaite lever un mythe. Les pays d’Europe aussi ont recours au lobbying. À commencer par la France ! Membre de cabinet ministériel de 2002 à 2007, je rencontrais les mêmes acteurs à Paris qu’aujourd’hui à Bruxelles. J’entends par là, les mêmes organisations, mais aussi les mêmes personnes. Le lobbying à l’Union européenne correspond donc aux consultations interprofessionnelles en France.
Cette démarche est essentielle pour deux raisons au moins. D’une part, face à la complexification de la société et la spécialisation des individus, nous consultons pour recueillir de l’expertise. Les lois que nous élaborons se doivent d’être réalistes, efficaces, applicables et ambitieuses. Bien que l’agriculture soit mon sujet d’intérêt et de connaissance premier, je ne pouvais détenir la connaissance d’un généticien lorsque j’étais rapporteur du Parlement sur le règlement relatif aux règles zootechniques et génétiques animales. D’autre part, nous recevons les parties prenantes (ONG, associations, fédérations de grandes entreprises et de PME) pour leur offrir un espace de parole et connaître leur position vis-à-vis d’une décision de l’autorité publique qui les impactera. Le rôle de l’élu est donc de consulter tout le monde. Notre responsabilité est ensuite d’arbitrer, face à ces intérêts particuliers et souvent concurrents, une décision fondée sur des objectifs et des valeurs politiques, ainsi qu’un sens de l’intérêt commun.
Je ne souhaite pas dresser un portrait idyllique du lobbying, car des affaires existent et alimentent la défiance de l’opinion publique. Pour autant, ne nous trompons pas d’ennemi. La participation de la société civile au processus décisionnel est une force dans une démocratie pluraliste. Notre combat est celui des mauvaises pratiques et du manque de déontologie chez certains lobbyistes et représentants politiques. Il faut donc des règles pour encadrer cette participation. L’Union européenne mise sur la transparence, et est par ailleurs plus ambitieuse que de nombreux États membres.
Chers étudiants, ces quelques lignes à l’esprit, je vous souhaite tous mes vœux de réussite pour cette expérience aussi enrichissante que professionnalisante.
Michel Dantin,
Député européen