Tribune de Sylvain Waserman, député et parrain de l’édition 2021

Sylvain Waserman, député MoDem et président de la délégation chargée des représentants d’intérêts à l’Assemblée nationale

Notre démocratie évolue et l’Assemblée nationale aussi. Nous sommes désormais dans des logiques de co-construction de la loi et des décisions publiques. Le lobbying, qu’il s’agisse d’une association qui porte une cause ou d’un secteur économique qui défend des intérêts, fait partie intégrante de ce processus décisionnel. La question n’est donc pas de le nier, mais de préciser les règles et les bonnes pratiques qu’il faut imposer ou promouvoir pour encadrer cette nouvelle relation.

En tant que président de la délégation chargée des représentants d’intérêts à l’Assemblée nationale, c’est cette conviction qui a motivé mes travaux sur le lobbying et c’est l’objet même du rapport – le premier rapport de délégation sur le sujet – que j’ai remis au Président de l’Assemblée nationale, le 2 février 2021. Reposant sur quatre conditions essentielles (une plus grande transparence, une absence totale de conflits d’intérêts, le jugement libre et non faussé du député et la mise en œuvre d’un système de régulation, de contrôle et de sanction adapté), la relation entre les députés et les lobbies sera plus transparente, plus éthique et plus responsable.

Ce rapport est le fruit du colloque « 48 heures chrono sur le lobbying », organisé en mai 2019 à l’Assemblée, du pré-rapport pour un lobbying plus responsable et transparent, publié en janvier 2020, ainsi que d’une large consultation menée au cours de l’année 2020 (auprès des groupes politiques, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, des associations citoyennes et de lobbyistes, du Déontologue de l’Assemblée, etc.).

Je suis heureux que la plupart des mesures de court terme que j’ai formulées ont été adoptées lors du Bureau de l’Assemblée nationale du 20 janvier 2021. Il s’agit notamment de l’adoption d’un Code de conduite applicable aux lobbies plus exigeant (obligations déclaratives renforcées, délais de réponse, sanctions, respect du RGPD, etc.), mais aussi de mesures de moyen terme qui sont en cours d’étude avec, par exemple, la déclaration orale d’intérêts lors des auditions d’experts (c’est un enseignement de la crise sanitaire pour garantir le jugement libre et non faussé du député), ainsi qu’une clause spécifique dans les contrats des assistants parlementaires (interdisant au salarié d’accepter des dons, invitations ou avantages quelconques remis par un tiers, sans avoir obtenu l’accord formel et explicite du député).

Plus que des règles, je préconise également de mettre l’accent sur des bonnes pratiques avec notamment la transparence des agendas et le sourcing des amendements. Les pratiques parlementaires doivent trouver toute leur place aux côtés des obligations législatives ou règlementaires qui encadrent les rapports avec les représentants d’intérêts.

Pour relever le défi, je suis convaincu qu’il faut sortir d’un mythe fondateur qui biaise le débat : celui de l’empreinte normative (soit la possibilité de restituer l’ensemble des personnes et des éléments qui ont eu un impact sur l’élaboration de la loi). Il y a une illusion méthodologique dans cette approche. Il est vain de vouloir reconstituer « pourquoi » un député appuie sur POUR ou CONTRE au moment du vote, et d’essayer d’y trouver une explication qui aurait l’illusion de l’objectivité. C’est une autre approche qui me semble devoir être développée. Il est essentiel de comprendre l’empreinte normative vue du représentant d’intérêts, « à 360 degrés », c’est-à-dire l’ensemble des actions qu’il mène pour influer sur une décision. Le dispositif actuel d’encadrement du lobbying doit donc progresser. Il s’agit en priorité de renforcer la granularité des informations communiquées dans le reporting adressé à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ainsi que sa fréquence. Mentionner le texte sur lequel un représentant d’intérêts agit, par exemple, ou intégrer toutes les interactions (sans exclure celles à l’initiative des députés) sont des avancées évidentes et immédiates à formuler.

J’invite les étudiants qui lisent ces mots, les futurs lobbyistes, et les professionnels du lobbying à travailler sur cet enjeu. Il était au cœur même de l’intention du législateur au moment de l’élaboration de la loi « Sapin II ». Les acteurs du lobbying doivent se saisir de cette question pour accompagner la dynamique vers plus de transparence. C’est une exigence citoyenne et démocratique, à laquelle les nouvelles générations apporteront beaucoup. C’est à chacun d’entre nous d’agir pour un lobbying responsable et transparent.

Sylvain Waserman,
Député du Bas-Rhin

4 mars 2021