Observations sur le lobbying de Ludovic Haye, sénateur parrain de l’édition 2022

Photo-portrait de Ludovic Haye, sénateur du Bas-Rhin et parrain du Concours du Lobbying

Aujourd’hui, le lobbying s’est imposé comme une méthode, un outil essentiel d’intervention dans la vie publique, non seulement au sein de grandes entreprises, mais aussi dans de nombreuses organisations à but non lucratif, et surtout dans notre société civile. Si le lobbying peut être une force positive de la démocratie, il peut également aider de puissants groupes à influencer les lois et régulations au détriment de l’intérêt public. En effet, son caractère protéiforme pouvant aller d’une influence indue à une concurrence faussée ou encore à une capture de politiques publiques peut conduire à un travail législatif moins efficace.

Dans nos sociétés, la démocratie ne se réalise pas uniquement par les partis politiques qui agrègent les sensibilités en vue des prochaines élections, ni exclusivement par l’accomplissement du « devoir électoral » du citoyen, permettant de choisir nos gouvernants. Elle sait utiliser aussi de nombreuses formes de mobilisation, de coalition qui influencent la décision politique, tout en garantissant une forme de vitalité de la démocratie. Bien avant que ne naissent les partis politiques au 19ème siècle, sous différents régimes, la vie en société a toujours été peu ou prou associée à l’existence de groupes d’intérêt qui s’organisent afin d’être en mesure de se faire entendre du pouvoir politique.

Plus qu’une question de fond qui viendrait remettre en cause l’existence ou l’utilité du lobbying, c’est une question de forme qu’il nous faut traiter aujourd’hui : la manière dont il est mis en place.

En France, notre conception diffère de celle de nos voisins anglo-saxons, bien que les choses aient évoluées dans notre pays. Initialement, une part des élus et de la population n’avaient pas une connaissance claire du rôle des fédérations agricoles dans la formulation de la politique agricole européenne par exemple. De même, des intérêts divers et variés, parfois totalement opposés, se sont confrontés dans le cadre de l’élaboration de la politique de sécurité routière. Au cours des dernières décennies, des acteurs nouveaux se sont emparés des méthodes du lobbying : les mouvements écologistes, les associations de consommateurs, les syndicats les utilisent désormais pour faire évoluer les législations et les consciences. L’usage de plus en plus large du lobbying démontre qu’il ne peut se résumer à de simples pressions exercées sur les décideurs politiques afin d’influencer leur action. Il inclut en effet un important travail de recherche et d’analyse, d’observation et d’efforts pour diffuser des informations et susciter un intérêt public. Le lobbying essaye ainsi d’englober tous les facteurs qui pourraient emporter une décision politique dans la société, dépassant la simple communication directe vers les décideurs, activité critiquable et insuffisante.

Nonobstant le travail de fond et la recherche de consensus réalisés par la plupart des représentants d’intérêt, certaines actions mal maîtrisées peuvent nous éloigner des principes démocratiques et éthiques. Allant de la simple proposition appuyée à des formes de pression totalement inacceptables, voire illégales, certaines actions insidieuses sont en grande partie responsables de l’image négative du lobbying qui reste malheureusement la plus répandue dans le grand public.

Malgré les dérives qui ont pu être parfois constatées, le lobbying a un rôle à jouer dans notre société, française et européenne. Pour cela, la conviction ne doit pas être remplacée par l’aveuglement, la réflexion collective, utile et désintéressée par l’égoïsme et la cupidité. Celles et ceux qui ont recours au lobbying, s’ils souhaitent conserver leur intégrité, devront s’attacher à ne jamais porter atteinte aux valeurs essentielles que sont la morale, l’éthique professionnelle et l’intérêt général.

23 mars 2022